Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Trait d'Union

Moudenc, l’enfant du Capitole

2 Avril 2014 , Rédigé par Thomas Simonian Publié dans #politique

Moudenc, l’enfant du Capitole

Un regard toujours tourné vers la mairie

Le 4 avril prochain il va redevenir le premier magistrat de la ville. Un rêve pour ce travailleur acharné au passé parfois troublé… Un maire que l’on connaît finalement peu. Découverte.

Ses premiers cris résonnent il y a 53 ans au cœur du quartier St Cyprien. Toulousain de naissance certes, mais surtout enfant d’une famille d’agriculteurs… Jean-Luc Moudenc porte cet héritage fièrement : «Je souris toujours quand j’entends parler de moi comme d'un notable. Si certains connaissaient mon véritable parcours...» confie-t-il. Voulant échapper à la succession familiale, son père devient cheminot. Modeste donc, la jeunesse de celui qui ne pense pas encore politique… Quelques années sont même vécues loin de Toulouse, dans la banlieue parisienne : «Ce sont de très bons souvenirs», évoque Jean-Luc Moudenc avec un brin de nostalgie. Son bac lui, est bien toulousain, après des années lycée passées au Mirail. Le précieux sésame tout juste en poche, direction le centre-ville et la Fac de Droit, véritable moteur en matière d’engagement militant au sein de la Corpo d'abord puis de la mutuelle étudiante Smeso dont Jean-Luc Moudenc devient peu après le Président. Enthousiasmé par la politique moderniste portée par un certain Valéry Giscard-d’Estaing, le jeune homme rencontre localement Michel Valdiguié, pilier de l’ère Baudis père et fils, et entre au CDS (Centre des Démocrates Sociaux). Là, il passe par tous les postes de direction (y compris chez les jeunes), et fait la connaissance entre autres de Jean-Luc Lagleize et de Marie-Pierre Chaumette (qui sont aujourd’hui parmi ses colistiers principaux), mais également de Jean-Luc Forget, l’avocat toulousain.

De Baudis à Douste-Blazy

Après des débuts dans le journalisme (à «La Croix du Midi» devenue depuis «La Voix du Midi»), Jean-Luc Moudenc travaille en 1987 au sein du service communication de la Région. Jeune protégé du président Dominique Baudis, il raconte comment ce dernier fera irruption dans son bureau pour lui annoncer «une vraie bonne nouvelle» : Une place se libère au Conseil Municipal de Toulouse. Le futur édile devient alors le benjamin de l’assemblée en charge d’un dossier qu’il connaît bien : les associations étudiantes. L’aventure politique est définitivement entamée au Capitole… Endroit qu’il ne quittera finalement plus : «J’en connais tous les recoins», avoue-t-il. Le travail, encore le travail. Son entourage semble lui reconnaître la vertu du «bosseur», celle qui fait aussi de lui un homme de l’ombre. Celui sur lequel on peut s'appuyer sans qu'il soit véritablement dans la lumière. Sans faire de bruit, Jean-Luc Moudenc gravit pourtant rapidement toutes les marches : Marc Censi fait de lui le plus jeune conseiller régional (il se lie alors dans cette assemblée avec celui qui sera son véritable mentor, Bernard Dassier). En 1994, il est élu plus jeune conseiller général. Pendant de longs mois, ce fou de travail vit une partie de la semaine à Lourdes où il est directeur de cabinet de Philippe Douste-Blazy, alors maire de la cité de Bernadette : «C’était un rythme de fou. D’ailleurs avec Philippe, on ne faisait que se croiser… Il arrivait en fin de semaine et avant de repartir, il me laissait des notes avec toutes les idées qu’il avait eues le week-end. Il fallait suivre, mais quel apprentissage ! » Accaparé par les dossiers toulousains, Jean-Luc Moudenc finit par revenir à plein temps dans sa ville rose. Pour ne pas laisser Philippe Douste-Blazy seul à Lourdes, il conseille pour lui succéder son meilleur ami, Thierry Dupuis. Empreint comme lui de valeurs centristes, ce jeune élu de Saint-Orens a de l'ambition. Mais le drame l'emporte : Thierry Dupuis se suicide, laissant derrière lui femme et enfants. Quand il revient sur cet épisode, Jean-Luc Moudenc ne se préserve plus. Sa carapace habituelle, ce cuir qui fait habituellement sa force, lui font soudain défaut. Les yeux mouillés se lèvent vers le ciel. L’échange est alors difficile… Le «Off» prend le dessus. Une cicatrice profonde pour le nouveau maire de Toulouse, qu’il partage avec son épouse Blandine et le couple Lattes. Car l’autre homme de confiance pour Jean-Luc Moudenc est bien Jean-Michel Lattes, l’ami de toujours.

Un maire non élu par les Toulousains

En 2001, c’est Dominique Baudis lui-même qui choisit son successeur au Capitole. Ce sera Philippe Douste-Blazy, transfuge de Lourdes, et pressé de revenir au gouvernement. Mais en 2003, l’affaire dite «Baudis-Alègre» éclate dans tous les médias et provoque une rupture entre les deux hommes. En effet, l'ancien maire de Toulouse reproche à son héritier de ne pas l’avoir averti qu'une tempête se préparait. C’est dans cette atmosphère ô combien pesante qu’en 2004, Philippe Douste-Blazy redevient ministre, et décide de laisser vacant son fauteuil de maire. Les grandes manœuvres sont alors lancées, et la garde baudisienne (Jean Diebold, Françoise de Veyrinas, Serge Didier) se réunit au domicile de celui qui restera à jamais comme «le maire des Toulousains», rue des Potiers, à deux pas du Grand-Rond. Rien n’en ressortira vraiment… Et pour cause ! En coulisses, une troisième voie (voix?) prend le dessus, celle portée par un certain… Jean-Luc Moudenc. Le résultat d’un pacte scellé avec Philippe Douste-Blazy, Marie Déqué, François Chollet et René Bouscatel. «Un pacte de sang», a-t-on même entendu en off. Ainsi le 6 mai 2004, Jean-Luc Moudenc devient-il maire de la ville. De ce moment, il garde un souvenir «intense». «Mes parents étaient présents», ajoute-t-il avec une fierté vainement déguisée. Ce jour-là, Moudenc père laisse entrevoir un sentiment identique dans le regard… Les yeux rivés sur un fils qui s’assoit sur le fauteuil le plus confortable de la cité.

Les défaites et le come-back

S’il passe vite sur sa défaite aux législatives de 2007 face à la pharmacienne Catherine Lemorton, celle de 2008 aux municipales face à Pierre Cohen l’a profondément marqué : «C’est Dominique Baudis le soir-même, qui m’a demandé de ne pas laisser tomber. Il m’a fallu quelques jours de réflexion.» Mais l’homme est ainsi, tenace. Il décide de repartir au combat et lance l’association «Toulouse Avenir» : «Cette défaite m’a permis de me remettre en question. J’ai notamment revu ma manière de travailler.» La mutation s'opère alors. «L’hypo communicant est devenu un juste communicant», remarque le politologue Stéphane Baumont. Le candidat permanent est toujours disponible pour les journalistes. Sa manière de s’exprimer est plus claire, et en coulisses, il n’hésite plus à trancher. Cette autorité qui lui a tant fait défaut dans le passé, est désormais présente… Et la transformation de Jean-Luc Moudenc en «JLM» est définitivement actée. Depuis, le parcours est jalonné d’étapes qui n’ont qu’un objectif avoué : Le retour au Capitole. En 2010, il bat Christine de Veyrac dans un combat de titans et prend les rênes de l’UMP locale. Un vrai calcul car Jean-Luc Moudenc le sait mieux que quiconque : pour remporter une victoire, mieux vaut avoir un appareil et des militants. En 2012, il se lance dans la bataille des législatives dans la troisième circonscription du département. Une circonscription qu’il a lui-même découpée, même s’il s’en défend, grâce à sa proximité avec l'ex-ministre chargé du dossier, Alain Marleix. Or, bien que le territoire semble sociologiquement jouable pour la droite, rien n’est pourtant fait, car François Hollande y a réussi un bon score aux présidentielles. Mais la roue a définitivement tourné pour Jean-Luc Moudenc, et la gauche se divise plus que fortement pendant la campagne. L’écologiste François Simon est le candidat investi, mais Alain Fillola a décidé de partir en dissidence. La faille est là, et JLM s’y engouffre. Il déclare même lors d'apartés : «Cette division va me faire gagner.» Devant les caméras, il la joue volontiers stratège en écartant Alain Fillola du jeu : «La victoire se jouera entre François Simon et moi.» La sortie des urnes lui donne raison. Le 17 juin 2012 au soir, c’est bien lui qui remonte avec ses filles et sa femme Blandine une rue Gabriel Péri remplie de sympathisants en liesse. Le rêve de Capitole n'est qu'à deux pas...

Nouveau duel face à Cohen

«Je le connais par cœur» a souvent déclaré Pierre Cohen à l’encontre de son opposant principal. Mais peut-être pas… Qui maîtrise les ressources intérieures de cet animal politique ? Peut-être personne. On a souvent lu qu’il tenait là sa revanche de 2008. Peut-être… Mais est-ce vraiment une revanche politique ? Pas certain. L’homme possède de nombreuses failles, mais pas forcément là où ses adversaires pensaient les trouver : «J’ai appris de mes défaites. Je savais que je ne voulais pas revivre 2008.» La vraie revanche de Jean-Luc Moudenc repose sur sa propre histoire. Il scrute la reconnaissance familiale. Comme si le passage de témoin était une procuration. Comme s’il avait réussi ce que son père n’avait fait qu’entamer… Une émancipation de ses propres racines. Le regard de la cellule familiale a toute son importance dans le parcours du nouveau maire de Toulouse. Des parents (un paternel pudique, une mère plus extravertie) dont il attend toujours l’opinion, une sœur idéologiquement opposée mais qui lui permet de travailler encore et toujours l’ouverture d’esprit, et une cellule proche (femme et enfants) sans cesse impliquée à ses côtés. Ses cicatrices de vie l’éclairent, et c’est sans doute pour cela qu’il continue à travailler avec les photos de Bernard Dassier et de Thierry Dupuis derrière lui. C’est à travers leur mémoire qu’il puise ses forces. Son secret est donc là. Jean-Luc Moudenc est ainsi, souvent là où on ne l’attend plus. Un chat qui retombe toujours sur ses pattes. Une ténacité rare qui a fait la différence dans cette dernière campagne.

Car le pari est réussi… Le Capitole va redevenir son quotidien. Cela tombe plutôt bien, c’est sa vie.

Thomas Simonian

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
Merci Thomas pour ce bel article : une biographie complète, et émouvante !!!
Répondre
J
Ma fe, es un escrit tolzan pron bèl ; felicitacions.
Répondre
J
Merci Thomas pour ce portrait, cela permet de mieux connaitre Jean-Luc Moudenc !
Répondre